À propos… La prière universelle de la messe

Une prière ancienne, supprimée puis restaurée

Les premiers témoignages que nous retrouvons sur cette prière datent de Justin, à Rome, vers 150 « Nous faisons avec ferveur des prières communes pour nous, pour ceux que nous venons de baptiser, pour tous les autres en quelque lieu qu’ils soient… » (p.4 revue « célébrer »).

Ultérieurement, St Augustin, Prosper d’Aquitaine, des Pères de l’Eglise, s’appuient sur l’existence de cette prière pour défendre la rectitude de la foi contre ses contradicteurs.

De cette époque nous sont parvenus quelques formulaires de prière universelle.

La plus vénérable, et la plus connue, est celle qui s’est maintenue depuis lors le Vendredi saint : neuf formules (dix actuellement) très amples qui sont des invitations à la prière.

On a aussi conservé quelques litanies, c’est-à-dire des prières en alternance rapide entre demandes et réponses, formule dynamique et populaire.

Le fleuron en est celle composée par le Pape Gélase (492 – 496) que la Liturgie des Heures a reprise partiellement pour les intercessions du jeudi de la 4e semaine.

La fin de la litanie des Saints a aussi conservé des demandes qui ont pu être celles de l’ancienne prière universelle.

Puis la PU a été supprimée. Pour preuve, on ne retrouve aucune trace dans les livres anciens.

Au moyen-âge, elle réapparait. En France, elle s’appelle « prière du Prône », située à la fin du sermon.

Cette disparition/apparition peut nous faire réfléchir ! La PU peut devenir fastidieuse et se transformer en implorations larmoyantes, en exigences non recevables à Dieu, en « kyrielles » sans intérêt… Mais sa renaissance nous montre que l’humanité ne cesse de crier vers Dieu, notamment en cas de détresse. Ce cri de l’humanité est un trait de toute religion.

Le mouvement liturgique qui a vu le jour avant Vatican II a œuvré pour la restauration de la Prière Universelle. Ce vœu fut accompli avec la Constitution sur la Sainte Liturgie.

C S L  n° 53 :

« La « prière commune » ou « prière des fidèles » sera rétablie après l’Evangile, et l’homélie, surtout les dimanches et fêtes de précepte, afin qu’avec la participation du peuple, on fasse des supplications pour la sainte Eglise, pour ceux qui détiennent l’autorité publique, pour ceux qui sont accablés par diverses nécessités, et pour tous les hommes et le salut du monde entier ». 

Qu’est ce que la Prière Universelle ?

Le sujet est le Peuple de Dieu qui, « exerçant sa fonction sacerdotale, supplie pour tous les hommes. » (PGMR n°45).

Préparer et mettre en œuvre une prière universelle nécessite que l’on ait compris les enjeux et ce que demande l’Eglise.

Elle a une structure : elle débute par l’invitatoire = invitation à prier dite par le président de l’assemblée, qui la conclut par une oraison. Entre deux, il y a les intentions de prières, suivies le plus souvent d’un refrain.

La différence entre la PU et une prière d’oraison :

La prière d’oraison se réalise par un temps de silence de toute l’assemblée, qui est ensuite reprise, « collectée » par le prêtre qui énonce la prière à haute voix, au nom de toute l’Eglise.

Dans la PU, le silence est remplacé par les « intentions », qui offrent à l’assemblée un objet : « Prions pour que notre assemblée entende la Parole de Dieu », ou des bénéficiaires : « Prions pour ceux dont la foi est vacillante ».

Attention : pendant un certain nombre d’années, on a pensé que la PU, la Prière des fidèles, était enfin leur prière à eux, par opposition à la prière du prêtre ! Or, au contraire, l’opposé de « fidèle » est : « infidèle » et non pas : « prêtre » ! « Fidèle » est pris au grand sens du mot « baptisé » ; ainsi laïcs et prêtres, tous baptisés, professent leur foi.

Dans la PU, les fidèles exercent de façon particulière leur fonction sacerdotale, mais pas de façon exclusive.

De toute façon, les oraisons ne sont pas propriétés du prêtre puisqu’il invite toute l’assemblée à prier. Il en est de même pour la prière eucharistique.

Préparation

  • Se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu proposée.
  • Sans se limiter à cette Paroles’interroger sur sa manière de la recevoir et la conversion qu’elle suppose.
  • S’interroger sur les personnes pour qui l’on pourrait prier, à la « lumière de la parole de Dieu », et à l’écoute du monde qui nous entoure (proche et lointain).

Rédaction

  • 2 types de formules des intentions :

Invitation à la Prière : « Prions pour … »

C’est une invitation à prieradressée à l’assemblée. Elles prolongent l’invitatoire du prêtre.

Déjà une prière : « Nous te prions pour… »

Cette autre formule est adressée à Dieu, au Christ ou à l’Esprit Saint. Dans ce cas, ce n’est pas strictement une intention, mais une prière que toute l’assemblée adresse : « Nous te prions pour ceux qui désespèrent » Dans la formulation, nous devons trouver les mots pour que tous les fidèles associent leur prière.

En fonction de l’une ou l’autre de la formule, la prière est exprimée différemment :

– Dans le 1er cas des intentions, la prière s’exprime par le refrain (Sg, écoute notre prière) et le silence qui suit l’intention.

– Dans la seconde formulation, comme la demande est rédigée sous forme de prière, l’assemblée doit prendre une attitude intérieure de prière, non plus seulement celle d’écouter, mais celle de prier à l‘aide des mots qu’on lui présente. On comprend que le silence est encore mieux venu lorsqu’on utilise cette deuxième formule.

  • A qui adresser la prière universelle ?

La prière liturgique montre une préférence pour le Père : ainsi, les oraisons solennelles du Vendredi Saint.

Jésus nous l’a enseigné : « Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez la porte vous sera ouverte… » Luc 11,9.

Mais il n’est pas interdit de s’adresser au Christ : cf. la prière du Pape Gélase, ou la litanie avec le refrain kyrie eleison.

Il faut se poser la question en fonction de la particularité du jour. Surtout, il faut veiller à la cohésion du formulaire, car quel dommage quand la demande s’adresse au Père et le refrain au Christ.

Difficulté pastorale : pour le choix du refrain, la personne qui rédige la PU doit penser à signaler au chantre-animateur s’il s’adressera au Père ou bien au Christ.

  • Pour quoi, pour qui prier ?

PGMR n° 46 :

« Les intentions seront habituellement :

a) pour les besoins de l’Eglise

b) pour les dirigeants des affaires publiques et le salut du monde entier.

c) pour tous ceux qui sont accablés par une difficulté

d) pour la communauté locale. »

Prêtons attention au mot « habituellement » : ces orientations ne doivent donc pas être un carcan, mais une indication pour ne pas réduire la liste à un seul genre de bénéficiaires. C’est l’ouverture universelle de la prière qui doit être assurée.

  • Veiller à ce que les intentions soient des supplications universelles.

Au-delà de l’assemblée et de la communauté chrétienne, ces prières ne sont pas une seconde homélie.

  • Prier pour des personnes et non pour des idées !

Tenir compte de ce qui intéresse le monde aujourd’hui, dans cet aujourd’hui où se situe l’Eglise.

PGMR n°30 :

« Dans la PU, l’assemblée des fidèles prie à la lumière de la Parole de Dieu ».

Le Missel suggère de prier pour les besoins de l’Eglise, pour la vie et le salut du monde, pour ceux qui sont accablés, et pour la communauté locale.

La prière universelle n’est pas un exutoire pour se décharger des problèmes du monde, ni l’occasion de rappeler à Dieu ce qu’il peut faire ! Nous prions avec confiance celui qui n’est ni le grand architecte de l’univers, ni un super ordinateur, mais notre Père. Nous ne donnons aucun conseil à Dieu !

  • Cadre de la PU :

Adaptée à l’assemblée présente ;

Brève pour être mémorisé par l’assemblée. Elle doit nourrir l’assemblée quelques instants avec des mots simples et un langage nerveux. Une PU équilibrée dans sa rédaction comporte 150 à 200 mots. C’est une longueur qui permet à la fois la concision pour la compréhension de tous, et l’expression d’une intention de prière précise et concrète.

Mise en œuvre

  • Le lecteur :

PGMR n°47 :

« Le diacre, le chantre, ou un autre ». Le fait d’indiquer le diacre souligne l’importance de la PU.

  • Préparation :

Si ce n’est pas le diacre, le lecteur s’y prépare : confier à l’avance la lecture de la PU à celui qui la lira, de préférence une personne qui sera capable de s’exprimer au micro pour la déclamer.

  • Intentions lues à l’ambon : 

PGMR n° 272 :

« On peut prononcer à l’ambon l’homélie et la Prière Universelle. Il ne convient guère que le commentateur, le chantre ou le chef de chœur monte à l’ambon ».

Le choix de l’ambon pour la lecture de la Prière Universelle souligne l’importance de cette intercession ecclésiale, au même titre que l’homélie.

Cependant, l’ambon est indiqué comme une possibilité, ce qui sous-entend que l’on peut faire autrement. Aussi, occasionnellement, elles peuvent être prononcées depuis l’assemblée, comme les intentions spontanées ou si la personne ne peut se déplacer (malade).

Le lecteur s’avance avant la prière et y reste jusqu’à l’Amen qui suit l’oraison. Parfois, elles peuvent jaillir de l’assemblée.

  • Ménager un temps de silence.

Prévoir un temps de silence suffisant après l’invitatoire (à prier) et après chaque intention précédant le refrain. Cela permet la prière de l’assemblée en laissant se déployer cette prière avant de passer à la suivante.

  • L’attitude du lecteur.

La personne qui lit une intention doit se l’adresser à elle-même aussi ! Si elle lit une prière, elle devra le faire en priant intérieurement.

Auteur : Jean-Claude Chartois – Octobre 2015 ; Paroisse Sainte Marie des Peuples (diocèse de Chartres)

Bibliographie : Revue Célébrer, n° 281.

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